A. Introduction

Pour rappel, le travail de l’indépendant·e·x se caractérise notamment par les éléments suivants:

  • Travailler pour plusieurs mandants·es·x.
  • Assumer le risque économique lié à son activité lucrative.
  • Organiser son travail librement.
  • Assumer le risque lié à l’encaissement.

 

Par ailleurs, il convient de noter que:

  • Il n’y a aucune distinction entre le patrimoine professionnel et privé de l’indépendant·e·x. Cela implique que les indépendants·es·x détiennent l’ensemble des responsabilités et ont à leur charge tous les risques concernant leur activité (notamment en cas de difficultés financières, mais également pour ce qui est des cotisations sociales, des risques en cas d’accident ou de dommages causés à des tiers pendant l’activité).
  • Le statut d’indépendant·e·x peut être composé d’un ensemble d’activités complémentaires (par exemple photographes, monteurs·ices·x, médiateurs·ices·x, ou autre domaine etc.).
  • L’indépendant·e·x cotise uniquement au premier pilier de manière obligatoire.
  • L’indépendant·e·x ne cotise pas à l’assurance chômage (AC), et ne peut donc pas prétendre aux droits au chômage.
  • L’indépendant·e·x cotise aux allocations pertes de gain (APG) obligatoires et peuvent s’affilier à des assurances facultatives d’indemnités journalières (AIJ).
  • La prévoyance professionnelle LPP est facultative et laissée à l’appréciation de l’indépendant·e·x.

 

En pratique, le statut n’est pas très compliqué à mettre en place et à maintenir, si les conditions sont remplies.

 

 

B. Devenir indépendant·e·x

1. Facturation préalable

 

Dans l’optique de demander son statut d’indépendant·e·x, il convient de commencer par établir des factures aux différents·es·x mandants·es·x/clients·es·x qui vous engagent (galeries, institutions, musées, particuliers·es·x, etc.). Il faut donc commencer par facturer sans avoir de statut d’indépendant·e·x pour pouvoir y prétendre!

–– Un minimum de trois à cinq factures adressées à différents·es·x mandants·es·x sont nécessaires pour commencer les démarches.

–– Une fois la demande de statut validée par une caisse de compensation, les cotisations correspondant à ces premières factures seront payées rétroactivement.

 

 

2. Affiliation à une caisse de compensation

 

L’affiliation à une caisse de compensation est l’étape qui valide l’obtention du statut d’indépendant·e·x.

A Genève, il y a trois caisses qui proposent l’enregistrement des indépendants·es·x et le prélèvement des charges sociales.

–– L’OCAS (caisse cantonale publique de compensation) est l’organisme public principal de perception de cotisations sociales à l’échelle cantonale à Genève. Un minimum de trois factures sont demandées au moment de l’inscription.
[ Lien internet de l’OCAS ]

A Genève, deux caisses privées réalisent les mêmes services et prestations que l’OCAS; les cotisations prélevées sont identiques pour l’AVS/AI/APG mais des montants supplémentaires d’adhésion sont demandés en fonction des prestations particulières proposées. Les démarches peuvent généralement commencer à partir de cinq factures émises et ces caisses privées ont en général plus de libertés dans la sélection de leurs membres (niveau de revenus, domaine d’activité, etc).

–– La NODE propose des conseils administratifs, juridiques et fiscaux. La cotisation annuelle est de 280.00 CHF en plus des cotisations sociales.
[ Lien internet de la NODE ]

–– La FER CIAM (Fédération interprofessionnelle de la fédération des entreprises romandes) propose chaque mois des ateliers gratuits pour apporter les informations utiles pour lancer une activité. La cotisation annuelle est de 300.00 CHF en plus des cotisations sociales.
[ Lien internet de la FER CIAM ]

 

 

3. Définition de l’activité

 

Lors de l’inscription, la caisse de compensation demande de détailler et expliciter ses activités. La personne indépendante peut en effet avoir:

  • Une activité : La typologie de métier doit alors être vaste afin de ne pas restreindre son travail à l’avenir.
  • Plusieurs activités dans un même domaine : Elle sera ainsi enregistrée comme ayant une activité avec plusieurs facettes.
  • Plusieurs activités dans des domaines différents (par exemple: artiste visuel·le·x et boulanger·e·x) : Il faudra présenter au moins trois factures émises par activité, et chacune devra avoir sa propre comptabilité séparée.

 

Dès le début des démarches, réunissez donc vos factures, vos preuves de dépenses pour l’achat de matériel ou d’outils (pas obligatoire mais conseillé), ainsi qu’un premier tableau de pertes et profits.

 

 

4. Date d’affiliation

 

Lors de l’inscription, il faut déterminer la date de début de l’activité. Dans cette optique, tous les documents annexes doivent respecter la même temporalité (factures, bail commercial, achats de matériel, etc.).

 

Attention

En cas d’inscription tardive d’une activité entamée, l’OCAS peut décider de définir la date d’affiliation rétroactivement, et ce jusqu’à cinq années en arrière (par rapport à la date d’un bail commercial, d’un site internet plus ancien ou autre). Les intérêts moratoires sur ces cotisations non payées peuvent aller jusqu’à 5%.

 

 

5. Revenu estimé

 

Lors de son inscription, l’indépendant·e·x doit estimer quel sera son revenu annuel net pour l’année en cours.

–– C’est sur cette base prévisionnelle que les premières cotisations trimestrielles seront calculées.

–– Ce revenu annuel net n’est qu’une estimation et le montant est ajusté en fin d’année en fonction du bénéfice réel réalisé.

Modèle indépendance 2 – Livre dépenses et recettes
Nota bene
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Le revenu annuel net est la somme restante après avoir déduit les charges relevant de l’activité (frais professionnels, par exemple l’achat de matériel, loyer d’atelier, site internet, essence d’un véhicule pro, etc.).

 

 

6. Cotisations AVS/AI/APG

 

Les taux de cotisations sont progressifs en fonction du revenu annuel de l’activité indépendante.

 

Attention

Il faut distinguer le revenu annuel des recettes annuelles:

–– Les recettes annuelles sont la somme des entrées d’argent de l’activité indépendante.

–– Le revenu annuel est la somme restante après déduction de toutes les charges de l’activité indépendante: c’est la somme qui est considérée comme la rémunération de la personne indépendante et sur laquelle seront prélevées les charges sociales.

 

Exemples de montants des cotisations progressifs:

  • Pour un revenu annuel compris entre 51’300 CHF et 53’800 CHF; le taux de cotisation sera de 8,58%.
  • Pour un revenu annuel compris entre 9’800 CHF et 17’500 CHF; le taux de cotisation sera de 5,371%.
  • Pour des revenus annuels inférieurs à 9’800 CHF; la cotisation annuelle minimale est de 514 CHF.
Nota bene
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Au début de l’activité, il est demandé de payer des cotisations sociales sur les prestations réalisées en prévision de la demande de statut, c’est-à-dire sur la période entre la date réelle de début d’activité annoncée et la date d’affiliation. Payer des cotisations de manière rétroactive peut être difficile à assumer financièrement. Il est possible de demander un délai de paiement ou un règlement en plusieurs fois.

 

Pour plus d’informations, voir le mémento sur les cotisations AVS/AI/APG pour les personnes indépendantes conçu par la Confédération
[  Mémento sur les cotisations  ]

 

 

7. Adresse professionnelle

 

Les travailleurs·euses·x indépendants·es·x domiciliés·es·x en Suisse sont obligés·es·x d’avoir une adresse professionnelle pour leur activité.

L’adresse professionnelle peut être:

  • Un local commercial (bail commercial).
  • Le domicile privé (uniquement si le bail privé et/ou la régie l’autorise).
  • Un espace partagé (espace de co-working, co-location, etc.).

Lors de l’inscription, il faudra donner la preuve de l’adresse professionnelle.

 

 

8. Affiliation et numéro IDE

 

Une fois l’affiliation validée, la caisse de compensation communiquera à l’indépendant·e·x son numéro IDE (numéro d’identification d’entreprise).

–– Le numéro IDE confirme que l’on exerce une activité indépendante professionnelle reconnue sur laquelle des cotisations sociales sont prélevées.

–– Il doit figurer sur les factures et les devis pour garantir aux mandants·es·x que l’activité est légale.

 

 

C. Impératifs courants

Une fois que la demande a été validée par une caisse de compensation, l’indépendant·e·x obtient son statut et démarre officiellement son activité. Certains impératifs et devoirs demeurent toutefois et doivent être pris en compte, notamment tenir une comptabilité et s’acquitter des impôts sur le revenu net.

 

 

1. Comptabilité

 

Tenir une comptabilité est l’un des impératifs majeurs lié à toute activité indépendante.

–– Lorsque le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 500’000 CHF, la comptabilité peut être une comptabilité simple, aussi appelée comptabilité de pertes et profits.

–– Au-delà de 500’000 CHF de chiffre d’affaires annuel, il est obligatoire de tenir une comptabilité standard, correspondant au code des obligations.

Dans une comptabilité simple, le tableau de pertes et profits détaille les recettes et les dépenses de l’année. Concrètement, il s’agit de soustraire des revenus toutes les dépenses (matérielles et immatérielles) liées à l’activité indépendante.

Tout au long de l’année:

–– Garder tous les justificatifs (factures émises, documents attestant de subventions attribuées, factures acquittées, tickets de caisse, tout document lié au flux d’argent de l’activité indépendante).

–– Numéroter et lister toutes les dépenses et les produits dans un fichier Excel simple, par catégorie.

En début d’année:

–– Clore les comptes de l’exercice précédent et établir le tableau de pertes et profits.

–– Réaliser sa déclaration d’impôts.

Modèle indépendance 5 – Comptabilité simple
Nota bene
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Les dépenses liées à l’activité indépendante sont comprises comme des charges dans la comptabilité et dans la déclaration d’impôts. Peuvent ainsi être considérés comme charges: les achats de matériels ou équipements de travail, les frais de production d’œuvre, les frais de transport d’œuvre ou de déplacements personnels liés à l’activité, le pourcentage des charges de fonctionnement (électricité, abonnements téléphone et site web, loyer atelier, etc.), les frais de représentation (dîner où on invite son réseau ou sa clientèle, frais pour refaire un site internet professionnel, etc.). Les cotisations AVS sont aussi déductibles des impôts et il est donc possible de les comptabiliser aussi comme des charges courantes.

 

 

2. Déclaration d’impôts

 

En fin d’année civile, il est nécessaire de clore les comptes et de calculer ainsi le bénéfice net (ou revenu net) de l’activité, en d’autres termes, ce qu’il reste en positif ou en négatif après avoir soustrait toutes les charges. C’est sur ce bénéfice net que la personne indépendante devra payer des impôts.

Concrètement, plus il y a de charges qui sont comptabilisées, plus le revenu net de l’activité baisse et plus le montant de l’impôt est réduit en fin d’année.

De même que pour la comptabilité, il est donc important de conserver tous les tickets et factures qui seront nécessaires comme preuves lors de la déclaration d’impôts.

Après la troisième année d’activité indépendante, des contrôles fiscaux sont souvent réalisés, notamment afin de vérifier les preuves comptables des frais liés au travail et déduits des impôts. Il est donc important de conserver les archives administratives sur plusieurs années et conseillé de scanner tous les documents. Au delà de 10 ans il est légalement possible de détruire toute archive concernant sa comptabilité.

Nota bene
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Bien qu’il y ait des termes parfois techniques, la majeure partie de la déclaration est simple à compléter si la comptabilité est tenue et réalisée scrupuleusement tout au long de l’année.

Si c’est une comptabilité simple, elle ne comportera pas de bilan comptable mais un compte de pertes et profits, bien que la déclaration d’impôts demande aux indépendants·es·x de renseigner leurs actifs et passifs.

–– Les actifs correspondent à des sommes d’argents détenues en capital matériel dédié à l’activité (machines, véhicule professionnel, ordinateur, etc.), ou à une somme d’argent non perçue et dont la prestation a déjà été réalisée.

–– Les passifs correspondent à des dettes ou à une somme d’argent perçue en avance pour une prestation non encore réalisée.

Prix et bourses: Dans la déclaration d’impôts, les bourses, prix, ventes et subventions liées à la pratique artistique sont imposables, au même titre que tous les revenus de l’indépendant·e·x. Vérifier cependant les conditions spécifiques de chaque soutien pour les éventuelles exceptions de bourses ou prix non imposables.

 

 

3. Registre du commerce et TVA

 

Si le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas les 100’000 CHF, il n’est pas obligatoire de s’inscrire au registre du commerce, ni de facturer de la TVA sur les prestations et de payer l’impôt anticipé lors des transactions.

Dans ce cas, la mention: « TVA non applicable – article 21, al. 2, ch. 16 de la Loi fédérale sur la TVA, LTVA » peut être indiquée sur les factures de l’indépendant·e·x.

Au-delà de 100’000 CHF de chiffre d’affaires annuel, l’inscription au registre du commerce et la facturation de la TVA est obligatoire.

Attention

Dans le secteur culturel, certaines prestations et activités sont exclues de l’impôt et donc de la TVA. Il s’agit principalement : 

–– Des prestations de services culturelles ci-après fournies directement en présence du public ou, si elles ne sont pas fournies directement en présence du public, les prestations de services culturelles ci-après que le public peut percevoir lors de la représentation. (LTVA, art. 21, al.2, ch.14)

–– Des prestations de services culturelles et la livraison, par leur créateur, d’œuvres culturelles réalisées par des artistes tels que les écrivains, les compositeurs, les cinéastes, les artistes-peintres ou les sculpteurs, ainsi que les prestations de services fournies par les éditeurs et les sociétés de perception en vue de la diffusion de ces œuvres. (LTVA, art. 21, al.2, ch.16)

 

 

D. Assurances complémentaires

1. Dommages & Accidents

 

L’assurance responsabilité civile (RC) professionnelle n’est pas obligatoire, sauf pour certaines professions dont les risques de fautes professionnelles sont élevés (médecins, thérapeutes, avocats·es·x, fiduciaires, etc.).

Il est recommandé de souscrire  à une assurance RC professionnelle, car, bien que dans le cadre strict de la pratique artistique le risque soit limité, il peut être très important dans certaines activités connexes comme celles de régisseur·euse·x ou monteur·euse·x (dans le cas de manipulation d’œuvres d’art, les coûts de réparations  en cas de dommage seront légalement à la charge de l’indépendant·e·x).

L’assurance accident est obligatoire pour toutes les personnes qui n’ont pas d’activité salariée à côté de leur activité indépendante. Elle est souscrite auprès de la caisse d’assurance maladie.

L’assurance accident ne prend en charge que les frais médicaux (soumis aux frais de franchise et quote-part) et ne compense pas la période d’incapacité à travailler sous forme d’indemnités.

Nota bene
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L’article 66 de la LAA (Loi sur l’Assurance Accident) spécifie: « Sont assurés à titre obligatoire auprès de la CNA [Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents] les travailleurs des (…) entreprises qui travaillent avec des machines le métal, le bois, le liège, les matières synthétiques, la pierre ou le verre, et fonderies (…) ».

[  Loi fédérale sur l’assurance-accidents  ]

Ainsi, dans le cas où l’activité indépendante implique l’utilisation d’outils ou de machines, le dossier sera automatiquement transféré à la SUVA, chez qui un contrat d’Assurance Accident obligatoire sera créé.

La SUVA est une entreprise de droit public qui assure majoritairement les ouvriers·es·x du bâtiment et les artisans·es·x. Il est parfois difficile de comprendre la frontière entre un·e·x artiste qui utilise des outils légers et un·e·x ouvrier·e·x. Il est donc conseillé de contacter la caisse de compensation pour clarifier la situation et d’éviter de devoir payer des primes trop importantes au regard de l’activité.

 

 

2. Perte de gain (indemnités journalières)

 

Les indépendants·es·x ne cotisent pas à l’assurance chômage et n’ont ainsi pas d’indemnisation systématique lors d’une perte ou d’une pause dans l’activité.

Pour les indépendants·es·x, il est toutefois possible de souscrire à une assurance facultative d’indemnités journalières (AIJ), afin de garantir un revenu journalier en cas de période d’incapacité de travail.

–– Cette indemnité journalière est versée uniquement si la perte de gain est liée à une incapacité de travail et non à une baisse d’activité.

–– Le calcul de l’indemnité se fait selon le taux d’occupation de l’activité indépendante et les indemnités seront donc réduites en cas d’activités à temps partiel.

–– On trouve des offres chez la plupart des assurances privées suisses.

–– Il existe pour chaque offre des conditions et des pourcentages de couverture différents mais les indemnités de 30 CHF par jour sont généralement versées dès le 15ème jour de 50% au moins d’incapacité à travailler, sur une période de maximum 720 jours.

–– L’association professionnelle Visarte.Genève propose une assurance perte de gain maladie, accident et grossesse, dont le taux journalier est plus bas que la plupart des AIJ privées, mais qui peut être cumulée à une AIJ privée.

Nota bene
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Il ne faut pas confondre ces AIJ (assurance facultative d’indemnité journalière) contractées auprès d’assurances privées, avec les APG (allocations perte de gain) dispensées par les cantons et qui sont octroyées dans les cas suivants: congés maternité/paternité, service militaire ou civil, prise en charge d’enfant gravement malade et APG Coronavirus.

 

 

E. Les étapes en bref

En résumé, afin de démarrer une activité indépendante, il faut:

  1. Réaliser des prestations et produire des premières factures pour chaque prestation rémunérée afin de réunir au minimum trois factures.
  2. Envoyer une demande d’affiliation à une caisse de compensation (OCAS, NODE ou FER-CIAM).
  3. Remplir le formulaire et retourner tous les justificatifs (factures, dépenses, matériel).
  4. Payer les premières cotisations AVS/AI/APG.
  5. Contracter une assurance privée pour couvrir les risques en cas d’accidents et autres dommages (si besoin ou si souhaité).
  6. Tenir une comptabilité.
  7. Réaliser sa déclaration d’impôts en fin d’année civile.